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En haut des vagues
28 octobre 2017

ADOPTé

Le feu est encore rouge quand j'arrive sous le panneau publicitaire, plus une minute à perdre au risque qu'elle ne soit plus là à m'attendre, moi celui qu'elle ne connaît qu'à travers un tableau pixelisé et à des portraits plutôt avantageux que j'ai collé sur son mur. Oui c'est la règle du jeu. J'ai mis ma plus belle coiffure et j'ai pris grand soin de brosser ma chemise fraîchement achetée chez un tailleur suédois établit sur un bord des Grands Boulevards. Ses mots, je les ai appris par coeur, ses rires je ne cesse de les imaginer me caresser la joue ; c'est peut être elle que j'attends depuis tant d'années à courir à travers Paris à rechercher un idéal original. A défaut, quelqu'un qu'il me faut. C'est un pari à chaque fois, une puzzle qui prend forme sous les tonnelles de Montmartre ou bien là où préfère son Navigo, je ne suis pas difficile du moment que le Bourgogne se sert bien frais et que la musique est bonne.

Je prends la file de droite pour tourner à gauche, les sens interdits deviennent tous permis, les piétons de vulgaires insectes, seule l'horloge est importante et l'heure ne cesse d'enfoncer la nuit. Me voilà ! A présent, je peux sentir son parfum et la couleur de sa permanente ; mes genoux tremblent et ma gorge se noue, j'en suis certain celle là c'est la bonne ! Je glisse sur le bitume, je me mue en un sorcier aux milles armures, des apparats clinquants, mon charme elle n'y résistera pas !

Quand on aime sur la toile, c'est d'abord une image que l'on apprivoise, seul l'imaginaire nous permet de prendre conscience que les âmes ne sont que des peintures agrippées au néant où chaque visiteur est un prétendant, un concurrent de tous les instants. Il faut parfois savoir se déguiser sous les traits d'une personne que l'on n'est pas ; un tailleur de rêves aux teint halé par les embruns des mers du sud, un poète maudit à la mèche vermeille et compliquée, un requin aux dents longues qui brise les coeurs déçus. On joue aux mots les plus beaux, les plus romantiques, entre coupés d'allusions coquines qui tendent à rompre les interminables silences d'une dulcinée sans doute trop prise à recevoir les bouquets d'un autre. Encore une fois, la règle est connue de chacun qui prend le risque et qui perd son temps dans ce supermarché virtuel et pourtant si appétissant aux couleurs tellement chaudes que l'on ne cesse d'y revenir.

Enfin, j'ai pu assoupir mon cheval mécanique, mes pas sont vifs et aériens, mon regard n'a même pas le temps d'admirer la lune se mêlant au rouge moulin. Le verdict va tomber, enfin je vais tomber amoureux, je serai le bien heureux. Les pavés sont brûlants et mon souffle sature mes émotions ; je suis une éponge qui transpire de peur. Je n'ai que cinq minutes de retard, elle est à l'heure et déjà assise en terrasse. Je bombe le torse, courbe la nuque et j'attaque son sourire tout en pensant à demain. Demain je n'aurai pas besoin de prendre ma monture, la suivante habite à deux pas de chez moi...

Matteo Clavel

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